- BILAN RADIATIF DE LA TERRE
- BILAN RADIATIF DE LA TERREL’état thermique de l’enveloppe externe de notre planète (surfaces, océans, atmosphère) dépend de nombreux processus au sein du «système climatique», mais les échanges d’énergie dans le vide de l’espace se font entièrement par rayonnement. Le bilan énergétique de la Terre s’identifie donc avec son bilan radiatif. Globalement, le système climatique fonctionne en absorbant , donc en transformant en chaleur, quelque 70 p. 100 du flux de rayonnement solaire (courtes longueurs d’onde, de 0,3 à 4 猪m) intercepté par la planète, et en réémettant cette énergie vers l’espace sous forme de rayonnement thermique infrarouge aux «ondes longues» (de 4 à 100 猪m). Nul pour l’ensemble du globe en moyenne annuelle, le bilan radiatif planétaire accuse excédents et déficits à l’échelle régionale , révélant la redistribution d’énergie dans le système.Près de la moitié du flux radiatif solaire incident au «sommet» de l’atmosphère est absorbée à la surface de la Terre. Le refroidissement de celle-ci dépend des flux non radiatifs (chaleur latente de la vapeur d’eau, chaleur sensible) vers l’atmosphère, comme des flux aux ondes longues. La vapeur d’eau et le dioxyde de carbone rendent l’atmosphère relativement opaque dans l’infrarouge thermique, produisant l’effet de serre , qui maintient le sol à une température supérieure à celle qui correspond au bilan radiatif planétaire. L’enrichissement anthropogénique de l’atmosphère en dioxyde de carbone intensifie cet effet, modifiant le bilan énergétique au sol et au sein de l’atmosphère, agissant par là sur le climat.1. Le système Terre-atmosphèreLes composantes du bilan radiatif planétaire sont les flux solaires (ondes courtes) incident et réfléchi, et le flux infrarouge thermique (ondes longues) émis au «sommet» de l’atmosphère (fig. 1).Les mesures spatiales faites depuis le début des années soixante montrent que la constante solaire (le flux de rayonnement solaire ramené à la distance moyenne Soleil-Terre de 149 600 000 km) vaut 1 368 watts par mètre carré; celle-ci ne varie que très peu (moins de 0,1 p. 100) avec l’activité solaire. L’excentricité de l’orbite terrestre fait que le flux solaire incident varie de 1 320 à 1 410 watts par mètre carré entre aphélie et périhélie. La moyenne globale de ce flux s’obtient en le divisant par quatre (rapport de la surface de la Terre à sa section diamétrale), ce qui donne 342 watts par mètre carré.L’observation spatiale montre que la fraction de ce flux réfléchie ou diffusée vers l’espace (l’albédo planétaire ) vaut entre 5 p. 100 (océans par ciel clair) et 85 p. 100 (nuages très épais ou neige fraîche), en moyenne globale 30 p. 100. La puissance solaire absorbée, 240 watts par mètre carré en moyenne, est réémise vers l’espace sous forme de rayonnement aux ondes longues (de 4 à 100 猪m), ce qui donne une température effective de 255 K (face=F0019 漣 18 0C) pour le système Terre-atmosphère. Son bilan radiatif (flux solaire absorbé moins flux infrarouge émis) est bien nul en moyenne annuelle, à 2 watts par mètre carré près, le flux de chaleur interne (radioactivité) n’étant que de 0,06 W. m-2. La variation annuelle du flux solaire incident et la dissymétrie nord-sud de notre planète dans le rapport continents-océans, entraînent une faible variation annuelle (face=F0019 梁 10 W. m-2) du bilan global, traduisant un stockage de chaleur dans les mers du Sud.2. Variations géographiques et temporelles des composantes du bilan radiatifLes séries pluriannuelles de mesures spatiales permettent de dresser les cartes en moyennes mensuelles, saisonnières et annuelles des composantes du bilan radiatif planétaire, et d’en établir la variabilité, notamment celle qui est associée aux événements du type E.N.S.O. (El Niño Southern Oscillation).Du côté des ondes courtes, le flux solaire incident est modulé selon les cycles annuel et diurne en fonction de la latitude. Quant au flux absorbé, la modulation est renforcée par l’augmentation de l’albédo planétaire quand le Soleil est bas sur l’horizon. Moyennée sur vingt-quatre heures, la puissance solaire absorbée est forte dans les zones tropicales (400 W. m-2), faible aux latitudes élevées, plus forte sur l’hémisphère d’été que du côté hiver, nulle dans la nuit polaire. À ces tendances générales se superposent les effets des nuages (albédos de 30 à 85 p. 100) et, pour les régions à ciel clair, les contrastes entre terres (albédos allant de 10 p. 100 pour les forêts tropicales à 30-50 p. 100 pour les déserts), mers (de 5 à 15 p. 100) et surfaces de neige ou de glace (de 60 à 85 p. 100).L’émission infrarouge vers l’espace dépend à la fois de la surface (température, émissivité), de la nébulosité (étendue, température des sommets nuageux) et de la répartition de la vapeur d’eau dans l’atmosphère. Le cycle diurne modulant le flux solaire se retrouve atténué et souvent déphasé dans le flux aux ondes longues sortant de l’atmosphère, selon les variations de la couverture nuageuse et de la température du sol. Le flux aux ondes longues sortant, inférieur à 150 watts par mètre carré pendant l’hiver sur l’Antarctique, est également très faible sur la zone de convergence intertropicale, aux sommets nuageux très froids. En revanche, sur les zones subtropicales sans nuages, ce flux sortant peut dépasser 300 watts par mètre carré, ce qui donne un bilan négatif sur les déserts, l’albédo du sol étant bien plus élevé que celui des océans aux mêmes latitudes (fig. 2).L’analyse des moyennes zonales du bilan radiatif planétaire (moyennes sur les longitudes pour chaque bande de latitude) permet de déterminer les transports méridiens (nord-sud et vice versa) de chaleur dans l’ensemble océan-atmosphère. Ces transports atteignent entre 5 . 1015 et 6 . 1015 watts dans chaque hémisphère. En en soustrayant la partie atmosphérique (déduite des données météorologiques), on obtient les transports de chaleur par les courants océaniques, qui s’avèrent comparables aux advections atmosphériques. Cette redistribution d’énergie d’origine solaire modère les contrastes pôles-équateur et hiver-été.3. Phénomènes au sein de l’atmosphère et à la surfacePar ciel clair, la partie visible du rayonnement solaire, qui contient la plus grande part de son flux énergétique, traverse l’atmosphère avec peu de pertes. Aux longueurs d’onde inférieures à 0,31 猪m de l’ultraviolet, la couche d’ozone (située entre 15 et 50 km d’altitude) est pratiquement opaque: le flux absorbé, 12 watts par mètre carré, échauffe la stratosphère . Dans la troposphère , surtout dans ses basses couches, la vapeur d’eau absorbe dans plusieurs bandes du proche infrarouge au-delà de 0,8 猪m. Les constituants atmosphériques majoritaires (azote et oxygène moléculaires 2 et 2) n’interviennent guère que par la diffusion Rayleigh, contribuant à l’albédo planétaire et au rayonnement diffus (le bleu du ciel) vers le sol. Des aérosols (d’origines marine, volcanique, anthropique, etc.) contribuent aussi au rayonnement diffus, à l’albédo planétaire et à l’absorption dans l’atmosphère, selon leurs composition, forme, taille et densité (fig. 3).Les nuages modifient ce schéma, avec de forts albédos, entre 30 et 85 p. 100 selon leur épaisseur, leur morphologie, leur contenu en eau liquide ou solide, la taille des gouttelettes ou des cristaux, etc. En général, les nuages diminuent le rayonnement solaire parvenantau sol, réduisant fortement sa composante directe, mais augmentant parfois sa composante diffuse. Le parcours des photons étant multiplié au sein du nuage, l’absorption atmosphérique du rayonnement solaire peut se trouver augmentée. Cependant, l’effet d’albédo des nuages réduit le flux solaire absorbé dans le système Terre-atmosphère, limitant son échauffement.La surface, à des températures entre 漣 70 et + 50 0C (entre 203 et 323 K), émet un rayonnement aux ondes longues dont le spectre est proche de celui du corps noir. Ce rayonnement est absorbé et réémis par les gaz atmosphériques minoritaires à molécules polyatomiques (vapeur d’eau H2O, dioxyde de carbone C2, ozone 3, méthane CH4...) sans intervention des gaz majoritaires. L’infrarouge émis par la stratosphère s’échappe vers l’espace, limitant l’échauffement de celle-ci dû à l’absorption de l’ultraviolet solaire. Mais, plus bas, ce n’est que par la «fenêtre» aux longueurs d’onde comprises entre 8 et 13 micromètres que l’infrarouge peut s’échapper vers l’espace pour refroidir l’atmosphère et le sol; dans les bandes d’absorption de la vapeur d’eau et du dioxyde de carbone, l’atmosphère rayonne davantage vers le bas que vers le haut. Augmenter la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, c’est intensifier cet effet de serre qui échauffe la surface.Le flux infrarouge reçu au sol (en moyenne de 350 W . m-2) est nettement moins fort par ciel clair et atmosphère sèche et froide. En revanche, en présence de nuages bas, ou dans les régions tropicales humides, il vaut presque le flux montant; étant pratiquement opaques aux ondes longues, les nuages émettent en effet un flux infrarouge vers le sol selon la température de leur base. L’effet sur le bilan radiatif planétaire dépend en revanche de la température de leurs sommets, les nuages élevés émettant vers l’espace un flux aux ondes longues faible. Cette contribution des nuages à l’effet de serre contrarie leur effet d’albédo, ce dernier l’emportant néanmoins de quelque 20 watts par mètre carré en moyenne.Compte tenu des nuages et des molécules et aérosols atmosphériques, le rayonnement solaire global (somme des flux direct et diffus) vaut 194 watts par mètre carré au sol, en moyenne sur l’ensemble du globe et sur l’année. Environ 15 p. 100 de ce flux sont renvoyés vers le haut, les 164 watts par mètre carré restant étant absorbés à la surface (48 p. 100 du flux solaire incident au sommet de l’atmosphère). Le flux infrarouge émis par la surface (400 W . m-2) se trouve en revanche presque complètement compensé par le flux descendant (350 W . m-2). Le bilan radiatif à la surface reste positif en moyenne bien qu’étant généralement négatif la nuit. Le bilan énergétique à la surface s’annule grâce aux flux emportant la chaleur latente (90 W . m-2) et la chaleur sensible (24 W . m-2) de la surface à l’atmosphère. Les flux de chaleur latente sont particulièrement forts au-dessus des courants marins chauds comme le Gulf Stream et au-dessus des forêts tropicales humides, couplant les cycles d’énergie et d’eau. Les flux de chaleur sensible sont importants au-dessus de terres arides (fig. 4).4. Mesures terrestres et spatialesPour mesurer les composantes du bilan radiatif, il faut un capteur dont la sensibilité soit indépendante de la longueur d’onde; on utilise en pratique un élément noirci (thermopile, bolomètres à thermistance, pyroélectrique) donnant un signal en fonction de la puissance énergétique reçue. Une lame ou coupelle en verre ou, mieux, en silice fondue, transparente dans le visible mais opaque dans l’infrarouge au-delà de 4 micromètres, permet de ne mesurer que le rayonnement aux ondes courtes (cas des pyranomètres ). Pour la mesure sur la totalité du spectre (pyrradiomètres ), on opère sans filtre; on obtient une bonne estimation du flux aux ondes longues en soustrayant le flux aux ondes courtes du total.Avec un capteur plan ouvert à tous les rayonnements reçus sur un hémisphère (pyranomètres, pyrradiomètres), on peut mesurer le flux montant ou le flux descendant. En revanche, les pyrhéliomètres , destinés à la mesure du rayonnement solaire direct, ne sont ouverts que dans un cône très restreint autour du Soleil, de façon à rejeter au maximum l’auréole et la lumière diffuse du ciel. Ces différents instruments sont utilisés aussi bien au sol qu’embarqués sur avions, ballons ou satellites (fig. 5). Paradoxalement, la détermination à grande échelle des composantes du bilan radiatif de surface est plus incertaine que celle du bilan planétaire, car les mesures sont locales et peu représentatives. On cherche à affiner des méthodes indirectes – utilisant les mesures spatiales avec une couverture globale – pour estimer les bilans de surface.Pour la détermination des composantes du bilan radiatif planétaire , l’observation spatiale s’impose. Un capteur plan en orbite intègre le rayonnement venant de l’ensemble du disque terrestre, qui s’étend sur des milliers de kilomètres. Des résultats importants ont été obtenus ainsi avec le satellite américain Nimbus-7 entre 1978 et 1991. Toutefois, pour évaluer l’influence des nuages sur le bilan radiatif, il faut une résolution spatiale inférieure à 100 kilomètres, ce qui conduit à embarquer sur les satellites des instruments à champ étroit. Ceux-ci mesurent, de part et d’autre de la trace de l’orbite sur la Terre, des luminances qui dépendent de l’orientation des rayons liant la cible au satellite et, pour les ondes courtes, au Soleil. La détermination des composantes du bilan radiatif exige alors la prise en compte de l’anisotropie des champs de rayonnement réfléchis et émis.D’autres difficultés dans l’établissement de valeurs moyennes des composantes de bilan radiatif surgissent du fait des contraintes orbitales, un seul satellite ne pouvant observer à la fois tout le globe et à toute heure. Ainsi, Nimbus-7 , en orbite polaire héliosynchrone, n’observe qu’à midi et à minuit en heure locale. Pour mieux échantillonner les variations diurnes, les systèmes modernes d’observation mettent en œuvre des instruments embarqués sur plusieurs satellites à la fois (instruments E.R.B.E., pour Earth Radiation Budget Experiment , de la N.A.S.A. depuis 1984; projet franco-soviétique ScaRab , pour Scanner Radiatsionnogo Balansa , depuis 1993; EOS – Système international d’observation de la Terre – projeté à partir de 1997).
Encyclopédie Universelle. 2012.